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Nota bene qu’il s’agit ici encore une fois d’une punaise.
Ce matin-là, sous le soleil
Rageur de l’île en son réveil,
Bâillait un potager tout doux.
Il était encore endormi.
N’y œuvraient que quelques fourmis.
Là-haut l’étoile, encore un peu rosie de son lever,
Jouait à cache-cache derrière les sommets froids.
N’y œuvraient que quelques fourmis.
Attiré par ces ouvrières,
Vite je m’accroupis par terre.
Soudain, dans l’ombre dévoilée,
Surgit une bête allongée.
Là-haut l’étoile, franchissant en crabe
Un col, projeta son feu dans la campagne.
Surgit une bête allongée.
Plissant les yeux je déchiffrai :
C’était un chat blotti au frais.
Sous la verdure, il se tenait
Au flanc d’une vieille chaussure.
Là-haut l’étoile, plongeant derrière une ro-che,
Abandonna le monde à la nuit des crevasses.
Au flanc d’une vieille chaussure,
Un chat pardé se reposait.
Fixement il me regardait.
Accroupi sous un peu de buis,
Il y avait fini sa nuit.
Là-haut l’étoile, sautant vers un nuage,
Cligna de l’œil d’un grand coup de phare.
Il y avait fini la nuit.
Nous bâillâmes, en gens polis
Que la chaleur va ramollir.
Mais soudain, pris de frénésie,
Mistigri griffe sa chaussure.
Là-haut l’étoile, prenant son envol,
Bondit dans le ciel et fait vibrer la vallée.
Voilà qu’il griffe sa chaussure,
Et la laboure et la secoue,
Y plonge le nez jusqu’au cou
Puis éternue, et se recule.
Émerge un être minuscule.
Là-haut l’étoile, planant au-dessus du monde,
Transforme la campagne en fournaise.
Émerge un être minuscule
Couleur de grain de sarrasin,
Et long comme un petit raisin,
Mais sachant sauter, nom d’un chien :
Il était là, il n’y a plus rien.
Là-haut l’étoile fulminante
Met l’incendie à un cirrus.
Il était là il n’y a plus rien.
Je me redresse dans les feuilles ;
Quelque chose m’attire l’œil :
C’est lui, il s’est téléporté.
Il m’a l’air bien tarabusté.
Là-haut l’étoile en pleine gloire s’est arrêtée,
Et me tabasse de la tête aux pieds.
Il m’a l’air bien tarabusté.
C’est qu’il a dû fissa quitter
Sa bonne chaussure attaquée
Par un chat de type pardé
Qui a filé sans bavarder.
Là-haut l’étoile, maîtresse du ciel,
Éclate splendide ; il est sept heures.
Qui a filé sans bavarder ?
Abandonnant, bien lacérée
Cette chaussure macérée ?
C’est le matou. Moralité :
Sans la chaussure point d’image, car point d’insecte, car point de chat, et donc point de charabia.
Chaussure enchantée.
Sous le pas, six pattes…
Titre et poème alternatifs de Richard Monette
Berger :
Dieu seul sait où tout ça va nous mener…
Monette :
Posément, quelques pas plus loin.
Les punaises ne vont jamais bien loin,
Même enchantées.
Paresseuses et portées à l’embonpoint…
Il en va de même pour les chaussures à six pattes,
Elles ne veulent pas courir le monde.
Elles sont trop tristes
Et mangent leurs émotions seules
Sur des feuilles…
Est-ce qu’elles rêvent alors ?
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Poème à retrouver en recueil en suivant ce lien